Sommaire

Il est essentiel que le secteur culturel soit dynamique pour réussir dans une économie canadienne créative et basée sur le savoir. C’est dans le but de demeurer au fait de l’incidence sur le marché du travail qu’ont les changements rapides en constante évolution en matière d’offre et de demande de produits culturels que le Conseil des ressources humaines du secteur culturel (CRHS) a chargé le Conference Board du Canada d’effectuer la présente étude d’information sur le marché du travail, une mise à jour de l’étude qui a été faite en 2010. Une information exacte et récente sur le marché du travail du secteur culturel représente le meilleur outil possible pour permettre aux personnes et aux organismes de réagir à ces changements.

Nous avons consulté divers professionnels du secteur culturel et adopté une définition conceptuelle du travail culturel et de la production culturelle aux fins de la présente étude :

L’activité culturelle comprend la création, la recherche, le développement, la production, la fabrication, la distribution, la présentation, la prestation de spectacles ainsi que la préservation de biens et de services créatifs, y compris la découverte et la conservation du patrimoine—le tout dans un but professionnel.

Cette définition reconnaît les activités distinctes associées à la « chaîne de création » et la nature du patrimoine tout en faisant également la distinction entre le marché du travail et les activités de loisirs ou les passe-temps.

Selon le dernier recensement, près de 800 000 Canadiennes et Canadiens occupaient des professions culturelles en 2015—ce qui représente 4 p. 100 de tout l’emploi au Canada. Entre 2010 et 2015, l’emploi dans les professions culturelles a augmenté de 3,2 p. 100—une hausse légèrement plus basse que la croissance de l’emploi dans l’ensemble de l’économie canadienne qui elle, était de 4,3 p. 100. 

En 2016, on retrouvait plus de 117 000 établissements culturels au Canada, ce qui, dans l’économie canadienne, représentait 3 p. 100 de tous les établissements. Toutefois, d’autres travailleuses et travailleurs culturels sont indépendants et ne correspondent peut-être pas aux critères nécessaires pour figurer à titre d’établissements dans le Registre des entreprises de Statistique Canada.

L’empreinte du secteur culturel sur l’ensemble de l’économie est importante et elle ne cesse de croître. Entre 2013 et 2017, la production valeur ajoutée réelle du secteur culturel canadien s’est accrue à un taux annuel moyen de près de 1 p. 100. En 2017, le secteur générait 58,8 milliards $ en produit national brut (PIB) direct—2,7 p. 100 du PIB total du Canada.

La question des pénuries de main-d’œuvre est rarement discutée dans le secteur culturel, en majeure partie parce qu’un pourcentage très élevé des postes sont comblés par des travailleuses et travailleurs autonomes. Même en adoptant une approche conservatrice, le présent rapport montre que les pénuries de main-d’œuvre auraient réduit la production potentielle du secteur culturel de plus de 1,2 million $ pour la seule année 2018 (en dollars de 2012). On prévoit que d’ici 2025, les pénuries de main-d’œuvre coûteront au secteur culturel plus de 1,5 million $ par année en perte de production (en dollars de 2012).

Selon le recensement, les travailleuses et travailleurs culturels sont généralement plus jeunes que la moyenne de l’ensemble de la main-d’œuvre et leur niveau de scolarité est plus élevé. En fait, 43 p. 100 d’entre eux ont un diplôme de baccalauréat ou plus, contre 25 p. 100 pour l’ensemble de la main- d’œuvre.

Malgré des niveaux de scolarité élevés, les revenus d’emploi des travailleuses et travailleurs culturels sont plus bas que ceux de l’ensemble de la main-d’œuvre canadienne. Une autre différence les distingue du reste de la main-d’œuvre canadienne : la très forte prévalence du travail autonome qui est de 28 p. 100—soit plus du double de la moyenne nationale qui est de 12 p. 100. Pour les professions de la production créative et artistique du secteur culturel, le taux de travail autonome grimpe à près de 41 p. 100.

Bien que diverses approches et mesures puissent servir à montrer l’empreinte économique tangible du secteur culturel, il n’existe pas de méthode pour quantifier la valeur expérientielle subjective ou avantage que le secteur culturel peut offrir aux personnes et à la société en général. Dans les faits, même lorsque l’on évalue l’empreinte économique tangible du secteur, le concept de culture doit être mesuré dans le cadre des systèmes statistiques disponibles.

Par conséquent, en plus des données du recensement que nous avons utilisées pour le présent rapport, nous avons également généré d’autres éléments : des groupes de discussion, des entrevues ainsi qu’une enquête pancanadienne en ligne̶̶̶̶̶– un questionnaire pour les travailleuses et travailleurs et un questionnaire pour les entreprises. Les données primaires provenant des groupes de discussion, des entrevues et du questionnaire en ligne sont une composante importante qui nous a permis de recueillir des données qualitatives pour mieux comprendre l’environnement de travail des professions de la culture.

Deux grands thèmes (catégorisation large) sont ressortis des groupes de discussion : la rareté des ressources et l’abondance de la production disponible.

La rareté des ressources comprend les difficultés monétaires, comme les faibles salaires, la précarité de l’emploi et la difficulté de garantir le financement ou de générer des sources de revenu stables. L’autre aspect de la rareté des ressources est la difficulté de trouver des travailleuses et travailleurs qualifiés qui doivent souvent jouer simultanément plusieurs rôles pour un salaire modeste. Recruter dans les régions rurales et pour des postes intermédiaires semble représenter un défi de taille pour les employeurs. Le thème de la rareté des ressources comprend aussi la très grande dépendance des organismes à la bonne volonté et au bénévolat. En plus de devoir se fier au grand public pour trouver de l’aide non rémunérée, le secteur culturel doit également avoir recours à son personnel pour faire du travail non rémunéré pour divers aspects du fonctionnement organisationnel.

Le concept d’abondance de la production disponible est en quelque sorte un sous-produit du peu d’obstacle à l’accès au travail dans le secteur, particulièrement parmi les professions créatives et artistiques. Bien que ce peu d’obstacles facilite l’entrée de nouvelles recrues dans le secteur, il perpétue et accroît (avec l’aide des avancements technologiques) la prévalence d’un travail de type « gig ». Plusieurs participantes et participants aux groupes de discussion ont défini l’emploi dans les professions culturelles comme un travail à court terme, à temps partiel ou très irrégulier avec des revenus plus instables, peu d’avantages sociaux et pas de sécurité financière à long terme. Les participantes et participants ont également dit qu’ils travaillaient souvent dans d’autres industries (que ce soit par choix ou parce qu’ils devaient compléter ou stabiliser leur revenu).

En même temps, l’obligation de polyvalence, citée par près de la moitié (49 p. 100) des répondants et la nécessité d’acquérir des compétences en affaires et en technologie sont monnaie courante dans l’ensemble du secteur. Cela est particulièrement évident dans les domaines où les taux de travail autonome sont élevés ou dans la production créative comme les arts visuels et appliqués et la création littéraire et l’édition. Dans ces domaines, les travailleuses et travailleurs doivent fréquemment assumer des tâches autres que leur production artistique, y compris les diverses tâches nécessaires pour gérer une entreprise (marketing, garantir le financement, etc.).

Un autre thème est ressorti des discussions – la nomenclature inadéquate et les lacunes qui en découlent dans les données recueillies. Parmi les sujets abordés dans les groupes de discussion, on retrouvait très souvent la désuétude de la nomenclature utilisée dans les sources officielles. Le vocabulaire que l’on utilise aujourd’hui dans le secteur décrit plutôt les compétences que les professions ou les titres d’emplois statiques. En raison de la nomenclature inadéquate ou imprécise qui est utilisée, les données qui y sont associées dans les statistiques officielles soulèvent souvent un certain scepticisme. Certains de ces problèmes ont été abordés sous forme de recommandations au chapitre 10.

D’autres grands enjeux qui ne sont pas uniques au secteur culturel comme la discrimination, l’âgisme, le capacitisme, le sexisme ou la politique de coopération symbolique, ont été soulevés fréquemment lors des diverses consultations. L’une des recommandations du rapport est de donner au personnel et aux membres des conseils d’administration une formation intégrant les meilleurs pratiques sur les enjeux de ressources humaines, entre autres sur le harcèlement et l’inclusion.

D’autres recommandations visant à renforcer le milieu de travail culturel comprennent la création de programmes de mentorat pour les leaders en émergence et de programmes d’acquisition de compétences surtout en ce qui a trait aux compétences en gestion, en technologie et en affaires.

En plus des recommandations pour renforcer le milieu de travail, le rapport propose aussi des recommandations pour combler les graves lacunes qui nuisent à une évaluation précise du secteur culturel. Cela comprend, la mise en œuvre d’un projet pilote pour évaluer les nouvelles et les meilleures pratiques de la collecte de données, spécialement celles qui permettent de saisir la réalité d’une « économie de gig ». Une autre recommandation porte sur l’ajout d’un module de ressources humaines dans le Compte satellite de la culture de Statistique Canada, un peu comme cela a été fait dans le secteur du tourisme.

Bien que, dans un sens, le secteur culturel semble prospérer, cette image vient des efforts collectifs et i soutenus d’une main-d’œuvre passionnée et dédiée qui accepte toujours d’en faire plus même lorsqu’il y a moins d’argent pour le faire. Dans un autre sens, cette attitude de la main-d’œuvre cache certaines des difficultés liées à la production que tout le monde admire.

Les projections du présent rapport suggèrent que le secteur a un potentiel de croissance pour les années à venir : accroître son empreinte économique et employer plus de Canadiennes et de Canadiens. Plus précisément, on prévoit que la contribution du secteur au PIB réel devrait augmenter de plus de 15 p. 100 entre 2017 et 2026. Cela signifie également une croissance de l’emploi de près de 8 p. 100.

La prévalence des difficultés liées à l’incapacité de recruter et de maintenir des postes dans le secteur culturel deviendront plus importantes dans les années à venir. Les recommandations du présent rapport visent à renforcer la main-d’œuvre culturelle et à relever les défis que posent diverses pénuries de compétences. Cela devrait permettre de s’assurer que le secteur culturel demeure un contributeur net pour l’économie canadienne et qu’il atteigne—ou dépasse même—les projections de croissance décrites ici, tout en maximisant l’emploi dans le secteur culturel.