2. Portée du secteur culturel

L’activité culturelle contribue grandement à la prospérité économique du Canada. Pour comprendre le secteur culturel et les activités économiques qui y sont associées, il est nécessaire d’en définir d’abord la portée.

Pour définir et mesurer le secteur culturel, le Conference Board a utilisé un cadre conceptuel qui a servi de base au rapport sur l’information sur le marché du travail. Quatre principaux facteurs ont guidé l’élaboration de ce cadre conceptuel :

  • Premièrement, le concept de culture devait être précisé. Le mot « culture » peut signifier différentes choses selon les personnes, par conséquent nous avons déterminé quelles activités feraient partie de notre définition du secteur culturel et lesquelles devraient en être exclues. Par exemple, bien que plusieurs personnes considèrent que les sports jouent un rôle intégral dans le « tissus culturel » du Canada, nous les avons exclus de notre définition de la culture.
  • Deuxièmement, être de nature créative ne suffisait pas à garantir l’inclusion d’une activité dans notre portée du secteur culturel. En fait, plusieurs activités créatives ne génèrent pas un produit culturel. Les designers industriels qui travaillent dans l’industrie automobile, par exemple, font une activité culturelle dans le cadre de la chaîne de production dont le résultat n’est pas un produit culturel.
  • Troisièmement, le cadre conceptuel définissant la culture devait tenir compte des nombreux changements qui transforment le secteur. Parmi ceux-ci, on retrouve les influences de la mondialisation, l’application de la technologie dans la création, la production et la diffusion des biens et des services culturels ainsi que les changements dans les habitudes de consommation.
  • Quatrièmement, le concept de culture devait être pratique, en ce sens que l’activité culturelle pouvait être mesurée à partir des systèmes statistiques disponibles, même si ces systèmes ne sont pas particulièrement conçus pour isoler et quantifier précisément l’activité culturelle.

Finalement, dans le présent rapport, la mesure du secteur culturel a été effectuée à l’aide de principes courants afin de permettre aux gouvernements, aux entreprises et autres entités financières associées d’évaluer le secteur par rapport à d’autres industries et secteurs de l’économie.

2.1 Définition de biens et de services culturels

Dans l’élaboration d’un cadre conceptuel pour la culture, il faut aller au-delà du concept abstrait de la culture pour former une définition cohérente et utilisable des biens et des services culturels. Dans son cadre conceptuel sur les statistiques de la culture, Statistique Canada, adopte une vision assez large de la culture en la définissant comme une : « Activité artistique créative et les biens et services produits par cette activité, et la conservation du patrimoine. »[1]

Voici la définition d’une activité culturelle professionnelle élaborée pour le présent rapport après consultation avec divers partenaires du secteur culturel :

Une activité culturelle comprend la création, la recherche, la conception, la production, la fabrication, la présentation, l’exécution ou la conservation de biens et de services créatifs, y compris la découverte et la conservation du patrimoine – tous à des fins professionnelles.

Pourquoi cette définition ?

  • Cette définition conceptuelle reconnaît les activités distinctes de la « chaîne de création » et la nature distinctive du patrimoine.
  • L’utilisation du terme « professionnelles » est importante afin de distinguer les activités du marché du travail des passe-temps et des activités de loisirs.
  • « À des fins professionnelles » comprend les activités commerciales, sans but lucratif ou à but lucratif, effectuées dans la production de biens et de services culturels.
  • « Patrimoine » comprend les bibliothèques, les archives, les musées et autre patrimoine humain ou bâti.

Pour respecter notre objectif de définir adéquatement la culture, nous devions nous assurer que les activités comprises dans le cadre conceptuel étaient des activités créatives, tout en excluant d’autres activités connexes comme le sport. Ainsi, une activité culturelle est une activité dont le but ultime est la livraison d’un bien ou d’un service créatif et artistique.

Nous suivons le raisonnement actuel de Statistique Canada sur ce qui constitue un bien ou un service culturel. Pour nos besoins, un bien ou un service culturel peut être protégé par le droit d’auteur ou en voie d’être protégeable ou un bien ou un service patrimonial pour l’utilisateur final de ce bien ou ce service. Formellement, un bien ou un service culturel doit être le résultat d’une activité créative ou artistique et satisfaire à au moins quatre des critères suivants :[2]

  • Il doit avoir le potentiel d’être protégé par la loi sur les droits d’auteurs ou, en d’autres mots, être protégeable. À titre d’exemple, un article de magazine, un scénario, un manuscrit, un dessin, une chorégraphie, un livre, une chronique de journal, une sculpture, une émission de radio, un film, etc.
  • Il permet la création, la production, la diffusion ou la conservation de produits culturels, comme l’enregistrement sonore, la fabrication, l’impression, la radiotélédiffusion, la baladodiffusion, etc.
  • Il ajoute du contenu à un produit culturel ou l’altère (services de contenu), comme des services éditoriaux, de la traduction, de l’illustration, de la mise en page et du design, de la musique, etc.
  • Il préserve, expose ou interprète le patrimoine humain ou naturel, comme les sites et les édifices historiques, les archives, les musées, les galeries d’art, les bibliothèques, les jardins botaniques et zoologiques, etc.

2.2 Chaîne de création

Dans notre réflexion sur la culture, nous avons constaté qu’il est utile d’adopter le concept de la « chaîne de création » pour définir le processus de production d’un produit culturel, de sa création à son usage final. Dans cette chaîne de création, nous pouvons distinguer trois principales étapes de transformation des produits culturels, du point de création au point de consommation.

D’abord, l’étape de la création, soit l’origine et la conception d’une idée ou de contenu ainsi que la découverte et la collecte de contenu patrimonial. Dans cette partie de la chaîne de création, on retrouve les établissements qui œuvrent dans le développement d’idées artistiques créatives. Par exemple, un écrivain indépendant qui rédige le manuscrit d’un livre s’inscrit dans cette étape de la chaîne de création.

La deuxième étape, la production, comprend tous les aspects reliés à la transformation d’une idée artistique en un produit fini. Par exemple, le manuscrit de l’auteur est transformé en manuscrit final prêt pour l’impression (révision et autres services). S’il y a lieu, l’étape de la production incorpore également tous les aspects liés à la fabrication de produits culturels. Cela peut impliquer de prendre la manifestation d’une idée artistique créative facilement identifiable et d’en faire une production de masse. En plus de la production et de la fabrication de nouveaux produits culturels, cette étape comprend les activités associées à la préservation et à la conservation des bibliothèques, des archives et du patrimoine culturel et naturel. Dans ce contexte, l’étape de la production comprend la conservation, la préservation et la gestion de produits tangibles et intangibles ayant une signification culturelle, patrimoniale ou naturelle importante.[3]

La dernière étape de la chaîne de création est la diffusion. Elle comprend tous les aspects liés à la distribution de produits culturels aux utilisateurs finals. La présentation et l’exposition d’information reliée au patrimoine, aux collections et aux sites ainsi que la présentation de diverses formes d’art de la scène font également partie de cette étape.

Comme il n’y a que trois étapes distinctes dans la chaîne de création, il est possible que la plupart des produits culturels passent par chacune des trois étapes. Toutefois, il existe des processus particuliers, surtout associés au patrimoine ou à la préservation, où l’étape de la création ne fera pas partie de la chaîne.

2.3 Mesure de la production et de l’emploi

L’une des plus grandes difficultés qui se présente lorsque l’on veut mesurer le secteur culturel est la dichotomie entre la production de biens et de services culturels et l’emploi de personnes qui pourraient être classées comme exerçant une profession culturelle. Les établissements qui font de la production de biens ou de services culturels peuvent employer des personnes qui effectuent du travail relié à un métier culturel et à la fois du travail non culturel. De même, des personnes pouvant être identifiées comme des travailleuses et travailleurs culturels pourraient occuper un poste dans un établissement culturel ou dans un autre domaine. Une réviseure, par exemple, pourrait être employée par un éditeur de livres (un établissement produisant un produit culturel) ou par un manufacturier d’automobiles éditant ses propres manuels d’utilisation (dans un établissement qui ne produit pas de biens culturels).

Pour cette raison, nous avons limité notre présentation du rendement financier du secteur culturel (et des domaines qui le composent) aux établissements culturels spécifiquement identifiés dans la chaîne de création. De même, toutes les données sur l’emploi utilisées sont basées sur des emplois culturels spécifiques.

Un emploi culturel est une profession où la majeure partie du travail effectué correspond à un code précis de la Classification nationale des professions (CNP) directement lié à la création ou à la valeur ajoutée d’un bien ou d’un service culturel. Les établissements culturels sont également ceux qui produisent des biens et des services culturels.

Dans le présent rapport, les professions du secteur culturel sont organisées en quatre grandes catégories : la production créative et artistique, la technique et les opérations, la collecte et la conservation du patrimoine et la gestion de la culture.

2.3.1 Domaines de la culture

En mesurant le rendement du secteur culturel, nous avons constaté qu’il est plus utile de penser aux établissements qui font partie de la chaîne de création. En d’autres mots, nous mesurons le rendement des établissements à une étape ou l’autre de la chaîne – la création, la production et la diffusion de biens et de services culturels. Le rendement et la santé financière de ces établissements est un facteur important qui influence la demande future en travailleuses et travailleurs culturels ainsi que le futur approvisionnement en produits culturels.

Les établissements culturels se divisent en six domaines comprenant chacun ses activités, ses produits et ses professions :

  • Patrimoine et bibliothèques—comprend les établissements et les personnes liés aux musées, aux bibliothèques, aux archives et au patrimoine bâti.
  • Arts de la scène—comprend les établissements et les artistes indépendants qui font des spectacles dans diverses disciplines des arts de la scène.
  • Arts visuels et appliqués—comprend les établissements et les artistes indépendants du domaine des arts visuels, des beaux-arts ou des arts médiatiques.
  • Création littéraire et édition—comprend les établissements, les écrivaines et écrivains ainsi que les artistes indépendants qui font partie de la chaîne de création dans la production de livres, de journaux, de magazines et d’autres périodiques.
  • Audiovisuel et médias interactifs—comprend les établissements et les personnes qui font partie de la chaîne de création en cinéma, en radio, en télévision et en télédiffusion ainsi que la livraison d’une expérience interactive d’information, d’éducation ou de divertissement.
  • Enregistrement sonore—comprend les établissements et les artistes indépendants qui font partie de la chaîne de création pour l’enregistrement sonore.

En cette ère d’énormes changements industriels et technologiques, la démarcation entre la production de contenu et la diffusion devient de plus en plus floue. Par exemple, les fournisseurs de service Internet en continu comme Netflix et Amazon Prime Video se dirigent vers l’intégration verticale en fonctionnant autant comme créateurs de contenu que comme diffuseurs. Par conséquent, il faut s’assurer que les diverses composantes de l’activité culturelle dans les entreprises soient déclarées séparément.

Puisque les six domaines mentionnés plus haut sont principalement engagés dans la production de biens et de services provenant d’une activité créative et artistique, nous considérons qu’ils constituent le « noyau » des domaines culturels. En parallèle, les domaines culturels comprennent également quatre activités culturelles « connexes » associées à la publicité, à l’architecture, au design et à la collecte de renseignements (publication de catalogues, d’annuaires et autre matériel du genre). Les activités culturelles connexes sont celles qui produisent des biens et des services grâce à un processus artistique qui vise surtout le côté pratique plutôt que la transmission d’un concept culturel. Les produits finals—comme un édifice ou une publicité—en tant que résultats, ne correspondent pas aux critères de la culture telle que définie plus haut dans le présent chapitre. Il existe aussi deux domaines transversaux—des domaines qui soutiennent et permettent l’activité créative et qui se retrouvent sous le grand parapluie de la culture. Bien que les domaines transversaux ne soient pas fondamentalement culturels, ils en font intégralement partie dans la mesure où les activités culturelles ne pourraient pas exister sans leur apport. Les domaines transversaux sont le domaine de l’éducation et de la formation et le domaine de la gouvernance, du financement et du soutien professionnel.

Dans le présent rapport d’information sur le marché du travail, l’analyse porte principalement sur les six domaines culturels de base bien que certaines parties du rapport présentent également des données sur les domaines connexes, multiples et transversaux. En matière de ressources humaines, les différences sont importantes entre les activités culturelles de base et les autres activités culturelles en ce qui a trait à la formation, à l’accréditation, au soutien technique à l’industrie, aux salaires, aux régimes de retraite et à la sécurité d’emploi.

Vous trouverez de plus amples renseignements sur ces domaines et les industries spécifiques qui font partie de chacun de ces domaines à l’Annexe A.

2.3.2 Professions de la culture

En mesurant l’emploi dans le secteur culturel, nous avons constaté qu’il était plus utile de penser l’emploi en termes de professions culturelles. En n’utilisant pas les établissements comme base de mesure, nous pouvons tenir compte des personnes qui occupent des professions culturelles mais qui ne travaillent pas dans des établissements culturels. En même temps, nous concentrer sur les professions cultuelles nous permet d’exclure les personnes qui travaillent dans des établissements culturels, mais qui n’exercent pas des professions culturelles. L’avantage de cette approche est de nous permettre de nous concentrer sur les professions qui seraient les plus facilement influencées par les projets du Conseil des ressources humaines du secteur culturel (CRHSC), tout en excluant les professions dont les besoins de formation ne correspondent pas au mandat du CRHSC. Parce que les catégories de professions sont différentes selon les groupes de domaines mentionnés plus haut, les professions culturelles pourraient faire partie autant des six domaines de base que des quatre domaines connexes.

Ces professions culturelles ont été regroupées en quatre catégories distinctes :

  • Production créative et artistique. Il s’agit du groupe le plus important qui comprend plus de la moitié de toutes les professions culturelles. Les professions créatives comportent la création, la production et la diffusion de biens et de services culturels. Plusieurs de ces professions sont traditionnellement associées à la culture comme les peintres, les actrices et les acteurs, les danseuses et les danseurs. les écrivaines et les écrivains, les musiciennes et les musiciens, qui font tous partie de cette catégorie.
  • Technique et opérations. Ce groupe donne du soutien technique pour les biens et les services culturels qui sont de nature technique ou opérationnelle comme les techniciennes et techniciens de télévision, de cinéma ou de radiotélédiffusion, les techniciennes et techniciens en dessin, etc.
  • Collecte et conservation du patrimoine. C’est le plus petit groupe et il n’est constitué que de quatre professions : les bibliothécaires, les conservatrices et conservateurs, les archivistes ainsi que les techniciennes et techniciens du milieu naturel et de la pêche.
  • Gestion de la culture. Ce groupe fait du soutien de la gestion pour la création, la production et la diffusion des biens et des services culturels. Ce sont des gestionnaires dans chacun des domaines culturels.

Vous trouverez une liste complète des professions à l’Annexe B.

[1] Statistique Canada, Cadre conceptuel pour les statistiques de la culture, 2011.

[2] Statistique Canada, Cadre conceptuel pour les statistiques de la culture, 2011.

[3] Ibid.