9. Difficultés et limites des données

Les présent chapitre décrit les diverses difficultés que représentaient les données dans la production du rapport d’information sur le marché du travail et les limites qui y sont associées. Cette partie porte sur les difficultés spécifiques rencontrées dans la production du rapport. La deuxième partie traite des limites qui en découlent dans les conclusions du rapport. Dans la mesure du possible, le prochain chapitre (Chapitre 10 : Recommandations) propose d’éventuelles solutions pour régler ou minimiser les difficultés associées aux données.

9.1 Difficultés liées aux données

Bien que le recensement de Statistique Canada fournisse les données des plus détaillées sur la démographie des travailleuses et travailleurs culturels et le travail (activité de travail, statut de l’emploi, revenus d’emploi, etc.), l’exécution du recensement exige de saisir un portrait de la main-d’œuvre culturelle durant la semaine où est effectué le recensement (du dimanche 1er mai au samedi 7 mai 2016). En effet, étant donné le taux élevé de travailleuses et travailleurs saisonniers dans le secteur culturel, il y a de fortes chances qu’une période aussi courte soit insuffisante pour saisir complètement de quoi est composée la main-d’œuvre culturelle. Plus précisément, la participation d’un travailleur culturel saisonnier ne peut être captée dans le recensement si cette personne travaillait dans une profession autre que culturelle durant la semaine du recensement.

De plus, puisque le recensement ne sonde que la profession principale de la personne, deux scénarios peuvent se produire et contribuer à sous-estimer la participation de cette personne dans le secteur culturel. Dans le premier scénario, une travailleuse ou un travailleur culturel passe plus d’heures à travailler dans d’autres secteurs, comme cela est courant dans le secteur culturel. Parce que le recensement n’enregistre que la profession à laquelle une personne consacre le plus de temps, cette partie des travailleuses et travailleurs culturels ne sera pas comptée. Le second scénario porte sur le fait qu’il arrive souvent qu’une travailleuse ou un travailleur culturel occupe plusieurs emplois ou joue de multiples rôles. Bien que le recensement évalue et assigne les professions d’une personne selon les deux titres d’emploi ou activités de travail, les chances de ne pas assigner cette profession augmenteraient si une travailleuse ou un travailleur culturel participait à une série d’activités de travail hétérogènes.

Pour estimer jusqu’à quel point la participation individuelle au secteur culturel peut avoir été sous-estimée, dans son questionnaire individuel d’information sur le marché du travail dans le secteur culturel, le Conference Board demandait aux répondantes et répondants de choisir les diverses professions qui représentaient le plus fidèlement leur participation à la culture. Comme le présente le Tableau 9.1, chaque travailleuse ou travailleur culturel occupe en moyenne deux professions, ce qui suggère que la probabilité que le travail d’une personne dans la culture n’ait pas été enregistré soit assez élevée. En fait, dans le domaine de l’enregistrement sonore, chaque personne a en moyenne 3,2 professions.

Tableau 9.1.1 : Nombre moyen de professions déclarées, par domaine

Domaine

Nombre moyen de professions déclarées

Patrimoine et bibliothèques

1,5

Arts de la scène

1,9

Arts visuels et appliqués

2,5

Création littéraire et édition

2,0

Audiovisuel et médias interactifs

1,5

Enregistrement sonore

3,2

Total

2,0

Source : Le Conference Board du Canada, Enquête d’information sur le marché du travail du secteur culturel (questionnaire individuel), 2018–2019.

Le questionnaire individuel du secteur culturel sondait les répondantes et répondants sur les heures de travail en dehors du secteur culturel, ainsi que sur la nature de l’emploi (s’il s’agissait de travail à plein temps, à temps partiel ou saisonnier) pour la dernière année. Les résultats suggèrent que, en agrégat, près de 8 p. 100 des répondants et répondants ont travaillé plus d’heures en dehors du secteur culturel et que le recensement pourrait ne pas les avoir classés dans le secteur. Ajoutons que près de 16 p. 100 des répondantes et répondants travaillaient sur une base saisonnière dans le secteur culturel. Bien que la possibilité que ces personnes n’aient pas travaillé dans le secteur culturel pendant la semaine du recensement varie d’une profession à l’autre et d’un domaine à l’autre, cela ajoute certainement une couche de déformation possible vers le bas dans l’estimation de la main-d’œuvre culturelle.

Un portrait encore plus confus a été constaté au niveau du domaine. Seule une petite partie des travailleuses et travailleurs du domaine du patrimoine et des bibliothèques ont indiqué qu’ils avaient passé plus d’heures de travail en dehors de la culture. Mais dans le domaine de l’audiovisuel et des médias interactifs, le pourcentage monte à 20 p. 100 dans le cas des cadreuses et cadreurs, des scénaristes et des actrices et acteurs. La même chose a été constatée dans les arts de la scène et l’enregistrement sonore où les artistes de cirque et les arrangeuses et arrangeurs ont la probabilité la plus élevée de travailler plus d’heures en dehors de la culture. Le pourcentage le plus élevé de personnes travaillant en dehors du secteur culturel a tendance à égaler la probabilité la plus élevée de sous-estimer la taille de la main-d’œuvre culturelle.

Tableau 9.1.2 : Probabilité de sous-déclaration—Patrimoine et bibliothèques

Profession

Plus d’heures hors du secteur culturel

Base saisonnière

 Archiviste

3 %

0 %

 Designer et planificateur/planificatrice d’expositions

3 %

3 %

 Restaurateur/restauratrice et conservateur/conservatrice

2 %

2 %

Travailleur/travailleuse de bibliothèque

1 %

3 %

 Bibliothécaire (maitrise ou l’équivalent)

1 %

1 %

 Registraire

0 %

7 %

 Technicien/technicienne de bibliothèque ou d’archives publiques

0 %

4 %

Source : Le Conference Board du Canada, Enquête d’information sur le marché du travail du secteur culturel, 2018–2019.

Note : Sauf les professions pour lesquelles les travailleuses et travailleurs font plus d’heures hors du secteur culturel ou ne travaillaient pas sur une base saisonnière.

Tableau 9.1.3 : Probabilité de sous-déclaration—Arts de la scène

Profession

Plus d’heures hors du secteur culturel

Base saisonnière

 Artiste de cirque

25 %

0 %

 Chorégraphe

11 %

17 %

 Acteur/actrice

10 %

33 %

 Dramaturge

10 %

19 %

 Comédien/comédienne

9 %

18 %

 Musicien/musicienne et chanteur/chanteuse

8 %

27 %

 Habilleur/habilleuse

8 %

54 %

 Danseur/danseuse

5 %

18 %

 Machiniste

4 %

37 %

 Présentateur/présentatrice

3 %

37 %

 Directeur/directrice (administration, RH, communications, marketing, théâtre, production, etc.)

2 %

12 %

 Technicien/technicienne (automation, éclairage, gréage, son, etc.)

1 %

12 %

Chef accessoiriste ou accessoiriste

0 %

31 %

 Chef d’orchestre, compositeur/compositrice et arrangeur/arrangeuse

0 %

50 %

Source : Le Conference Board du Canada, Enquête d’information sur le marché du travail du secteur culturel, 2018–2019.

Note : Sauf les professions pour lesquelles les travailleuses et travailleurs font plus d’heures hors du secteur culturel ou ne travaillaient pas sur une base saisonnière.

Tableau 9.1.4 : Probabilité de sous-déclaration—Arts visuels et appliqués

Profession

Plus d’heures hors du secteur culturel

Base saisonnière

 Forgeron/forgeronne

14 %

19 %

 Peintre

9 %

14 %

 Illustrateur/illustratrice

9 %

17 %

 Sculpteur/sculpteure

6 %

15 %

 Artisan/artisane et patronnier/patronnière

6 %

13 %

 Artiste visuel

6 %

12 %

 Gestionnaire (gestion d’une galerie d’art, administration, RH, communications, marketing, etc.)

5 %

5 %

 Designer

4 %

15 %

 Graphiste

3 %

16 %

 Ensemblier/ensemblière, dessinateur/dessinatrice de mode, concepteur/conceptrice d’expositions et autre designer créatif

0 %

16 %

 Photographe

0 %

25 %

Marchand/marchande d’art

0 %

18 %

 Technicien/technicienne (graphisme, etc.)

0 %

13 %

 Graveur/graveuse

0 %

11 %

 Restaurateur/restauratrice

0 %

10 %

 Potier/potière

0 %

10 %

Source : Le Conference Board du Canada, Enquête d’information sur le marché du travail du secteur culturel, 2018–2019.

Note : Sauf les professions pour lesquelles les travailleuses et travailleurs font plus d’heures hors du secteur culturel ou ne travaillaient pas sur une base saisonnière.

Tableau 9.1.5 : Probabilité de sous-déclaration—Création littéraire et édition

Profession

Plus d’heures hors du secteur culturel

Base saisonnière

 Journaliste

13 %

25 %

 Auteur/auteure et écrivain/écrivaine

12 %

15 %

 Operations et logistique

8 %

0 %

 Production/design

5 %

5 %

 Éditeur/éditrice et réviseur/réviseure et rédacteur/rédactrice et chef du service des nouvelles

5 %

5 %

 Gestionnaire (administration, RH, communications, etc.)

5 %

0 %

 Associé/associée en marketing et en publicité

4 %

4 %

Source : Le Conference Board du Canada, Enquête d’information sur le marché du travail du secteur culturel, 2018–2019.

Note : Sauf les professions pour lesquelles les travailleuses et travailleurs font plus d’heures hors du secteur culturel ou ne travaillaient pas sur une base saisonnière.

Tableau 9.1.6 : Probabilité de sous-déclaration—Audiovisuel et médias interactifs

Profession

Plus d’heures hors du secteur culturel

Base saisonnière

 Cadreur/cadreuse de caméra

20 %

0 %

 Scénariste

20 %

27 %

 Acteur/actrice

20 %

35 %

 Producteur/productrice

15 %

19 %

 Annonceur/annonceure et autres communicateur/communicatrice de la radio ou de la télévision

14 %

14 %

 Réalisateur/réalisatrice

13 %

22 %

 Monteur/monteuse

7 %

18 %

 Technicien/technicienne (éclairage, son, radiotélédiffusion, enregistrement audio et vidéo, etc.)

4 %

18 %

 Directeur/directrice (studio, RH, communications, administration, marketing, production, etc.)

4 %

15 %

 Ingénieur/ingénieure (son, etc.)

0 %

33 %

Source : Le Conference Board du Canada, Enquête d’information sur le marché du travail du secteur culturel, 2018–2019.

Note : Sauf les professions pour lesquelles les travailleuses et travailleurs faisaient plus d’heures hors du secteur culturel ou ne travaillaient pas sur une base saisonnière.

Tableau 9.1.7 : Probabilité de sous-déclaration—Enregistrement sonore

Profession

Plus d’heures hors du secteur culturel

Base saisonnière

 Chef d’orchestre et directeur musical/directrice musicale

100 %*

0 %

 Arrangeur/arrangeuse de musique

29 %

14 %

Gestionnaire (direction d’artistes, administration, RH, communications, marketing, etc.)

20 %

11 %

 Musicien/musicienne

18 %

10 %

 Chanteur/chanteuse (opéra, pop, jazz, etc.)

14 %

14 %

 Compositeur/compositrice

13 %

0 %

Auteur-compositeur/auteure-compositrice

8 %

13 %

 Éditeur/éditrice de musique

0 %

15 %

 Technicien/technicienne (instrument, enregistrement, effets sonores, etc.)

0 %

67 %

 Producteur/productrice

0 %

21 %

Source : Le Conference Board du Canada, Enquête d’information sur le marché du travail du secteur culturel, 2018–2019.

Note : sauf les professions pour lesquelles les travailleuses et travailleurs font plus d’heures hors du secteur culturel ou ne travaillaient pas sur une base saisonnière.

* Bien que 100 p. 100 des chefs d’orchestre et des directrices et directeurs musicaux aient indiqué avoir travaillé plus d’heures hors du secteur culturel, le pourcentage n’était pas représentatif puisque seulement un chef d’orchestre et directeur musical a répondu au questionnaire individuel d’information sur le marché du travail.

9.2 Limites des données

Bien que le Conference Board du Canada ait fait de son mieux pour donner un profil complet du secteur 230culturel, nous tenons à vous avertir que les données comportent certaines limites.

Le premier groupe de limites découle de l’utilisation et de la fiabilité des données du recensement. La présente étude repose particulièrement sur le recensement de Statistique Canada pour recueillir de l’information sur la démographie, la situation de l’emploi, le revenu des travailleuses et travailleurs culturels et sur plusieurs autres aspects liés au travail dans le secteur. Malheureusement, dans la conception du questionnaire du recensement et sa mise en pratique, il faut soigneusement équilibrer le niveau d’analyse possible et le niveau d’effort nécessaire pour convaincre les personnes de remplir le questionnaire. En conséquence, une bonne partie des renseignements sur les arrangements d’emploi distincts de plusieurs travailleuses et travailleurs culturels—y compris l’incidence élevée des emplois multiples, du travail saisonner ou du travail à la pièce (de type « gig »)—ne sont pas enregistrés dans le recensement.

Une autre limite des données du recensement est le fait qu’elles ne tiennent pas compte précisément de l’importance du temps non rémunéré que plusieurs travailleuses et travailleurs culturels consacrent à la pratique et à la préparation. Cette composante manquante contribue non seulement à sous-estimer la taille de la main-d’œuvre culturelle, mais mène également à une potentielle classification erronée de l’activité de travail dans le secteur culturel. De plus, plusieurs titres de professions du système actuel de la Classification nationale des professions sont dépassés, ce qui rend le défi de mesurer précisément la participation au secteur culturel encore plus difficile.

Le deuxième groupe de limites vient du fait que Statistique Canada se sert des données du Registre des entreprises pour compiler le profil de l’employeur. Bien que le Registre des entreprises donne un portrait détaillé de tous les établissements canadiens, une entreprise doit répondre à un des trois critères (a des employés, est incorporée, est inscrite à TPS/TVH) pour être inscrite dans le Registre des entreprises. Il arrive souvent que de petits établissements culturels ne répondent à aucun de ces critères et ne soient pas répertoriées dans le Registre des entreprises, particulièrement ceux qui appartiennent à un propriétaire unique.

Une autre couche de complication est attribuable aux diverses activités d’affaires dans lesquelles sont engagés les établissements culturels. En effet, les grandes entreprises culturelles puisent souvent dans de multiples types d’entreprises associées à la culture. Plusieurs services Internet de diffusion en continu, par exemple, font à la fois de la production et de la diffusion de contenu vidéo. Assigner une entreprise culturelle à multiples facettes à une industrie spécifique, peut donc devenir difficile dans le système actuel de classification de l’industrie et cela reste à la discrétion de Statistique Canada. Le résultat : le profil de l’employeur de la présente étude pourrait être un peu tronqué en raison d’une classification particulière ou singulière du domaine.

Les troisièmes limites viennent du manque de données officielles sur certains domaines ou activités d’affaires. Les statistiques du domaine du patrimoine et des bibliothèques de l’actuel Compte satellite de la culture (et donc du présent rapport) ne représentent que les établissements privés, qui eux, ne représentent qu’une petite partie de l’ensemble des établissements du patrimoine et des bibliothèques. Si Statistique Canada exclut les établissements publics c’est en raison des difficultés inhérentes à la collecter et à la répartition des données dur les dépenses publiques dans les sous-domaines appropriés du patrimoine et des bibliothèques.

De plus, la montée de la numérisation dans le secteur culturel pose des défis importants pour mesurer la présence numérique des activités culturelles et leur contribution à l’économie canadienne. Puisque Statistique Canada en est encore à la première étape d’estimation de l’activité économique numérique, une partie considérable des biens et des services numériques produits au Canada pourrait ne pas faire partie des conclusions du rapport. Un autre sous-produit de la numérisation est le fait que plusieurs produits culturels consommés par les Canadiennes et les Canadiens viennent de l’extérieur du Canada, notamment, les services de diffusion audio et vidéo en continu. Les emplois que ces entreprises créent au Canada et les revenus qu’elles génèrent à partir du Canada sont difficiles à mesurer parce que ces entreprises appartiennent à des étrangers. Le résultat : il est probable qu’une bonne partie de cette activité ne soit pas incluse dans le présent rapport.

Finalement, malgré tous les efforts nécessaires de la part du Conference Board et de ses partenaires pour diffuser les questionnaires d’information sur le marché du travail dans le secteur culturel, seulement un petit nombre de personnes (n = 34 sur 1 867) et un petit nombre d’employeurs (n = 4 sur 311) ont indiqué faire partie du domaine de l’enregistrement sonore. Le résultat : les conclusions dans ce domaine devraient être utilisées avec précaution.